Je dessine une histoire au format webtoon depuis quelques mois.
« Inséparables » à vu le jour quand je participais à un concours, pour lequel j’ai dessiné 3 chapitres. Il s’agit d’une romance dans un univers fantastique.
Comme Mangadraft propose à présent de publier également du format webtoon, je me suis dit que vous pourriez trouver intéressant que je vous montre comment je procède, personnellement, pour créer un chapitre !
Dans un article précédent, j’avais déjà décris les différentes étapes de création d’une histoire au format webtoon (ici). Dans cet atelier, vous m’accompagnerez dans la création du chapitre 4 de mon webtoon « Inséparables ». (En lecture sur Mangadraft >juste ici<)
Attention, si vous lisez cet article avant de lire mon histoire, vous risquez quelques spoils. J’essayerai d’en faire le moins possible !
L’idée du chapitre 4 d’« Inséparables »
Lorsque je dessine un chapitre, je trouve un tas d’idées pour mon webtoon. Malheureusement, ce n’est jamais pour la suite immédiate, alors il me faut prendre des notes pour plus tard.
Je tiens un journal, dans lequel je répertorie les évènements importants que j’ai déjà abordé dans ma narration, ainsi que les idées que j’aimerai inclure plus tard.
Ainsi, j’évite de créer des non-sens dans le cours de l’histoire et je créé ma base pour la suite sans avoir à me torturer l’esprit pour trouver des idées.
Avant de dessiner un chapitre, je me contente d’écrire un résumé très succinct des évènements qui vont s’y dérouler. Pour le chapitre 4 d’Inséparables, mes notes disaient :
- Suite de la discussion entre les deux mages
- Info sur le passé de Gillian
- Enabelle va mieux, mais elle a toujours une dent contre le chasseur
- Info sur les Chasseurs
- Les saisons changent (on arrive en hiver)
- Fin : Enabelle reçoit un colis important
À partir de ces éléments, qui sont la structure de mon chapitre, je réfléchis à un déroulement qui sera le plus fluide possible.
Il m’est assez difficile de ne réfléchir qu’avec des mots, alors je commence le storyboard dès que je bloque à l’écrit.
Ébauche de storyboard
Je dessine le storyboard de mon webtoon au numérique, parce que je sais que je vais le modifier de nombreuses fois.
Les outils de Clip Studio Paint m’aideront à déplacer des cases, en insérer entre deux, en supprimer… Je pourrai agrandir certains éléments, en réduire d’autres… En bref, vive le numérique !
Je créé un document qui fait 800px de large par 17920px de haut, pour travailler sur une longue colonne, adaptée à un format webtoon. Je les appelle mes « bandes de travail ».
17920 est un multiple de 1280, ainsi, je n’aurais pas de problème pour les couper en panneaux (au format final de 800px par 1280px) une fois terminées.
Je sais que la limite de taille de Clip Studio Paint, sur ma tablette, est de 800px par 19200px. Cela me laisse une petite marge, dans l’éventualité où l’une de mes images ferait plusieurs panneaux de long (800px par 1280px).
Premier jet
Le premier storyboard que je fais est simplement l’assemblage de mes idées sur papier (numérique).
Je me passe le film de mon épisode dans la tête et je dessine à la volée quelques images fortes, sous forme d’un croquis très simplifié.
À cette étape là, les dessins sont tellement brouillons que je ne pense pas que quelqu’un d’autre que moi pourrait comprendre ce qui se passe dans l’histoire…
J’ai d’ailleurs eu la mauvaise expérience de laisser un premier storyboard de côté trop longtemps, et de ne plus savoir moi-même ce que j’avais essayé de raconter !
Mes idées en quelques traits
Plus que de dessiner les personnages d’ « Inséparables » dans de jolies poses, ce que j’aime le plus, c’est leur faire prendre des expressions exagérée.
Je trouve également que leur faire faire des grimaces ajoute au rythme de la lecture, alors je n’hésite pas à accentuer leurs réactions avec cette méthode, de temps en temps.
Parmi mes idées, je me suis décidée à montrer un souvenir du personnage du chasseur.
Il fait partie de mes personnages principaux, et pourtant, je ne l’ai pas fait apparaitre depuis l’épisode 2. Il me semblait donc important de le rappeler à mes lecteurs.
Comme Enabelle, mon héroïne, a une dent contre ce chasseur, c’était une belle occasion de lui faire un visage énervé dans un style simplifié.
Le nombre de cases
Dans mon tutoriel sur le webtoon (cf « Le format webtoon sur Mangadraft ») je vous disais qu’un nombre moyen de 40 cases par épisode permet d’éviter que le lecteur ne reste trop sur sa faim.
Je numérote donc chaque idée d’image, pour être sûre d’avoir un épisode de plus de 40 cases. Il m’est difficile d’être consciente de la longueur totale, si je ne le fais pas.
Même si un dessin fait plus de 3 panneaux de 800px par 1200px de long, j’ai pris la décision de ne le compter qu’en tant qu’une seule case.
Début de dialogue
C’est un premier jet, mais il est quand même très important de commencer à écrire les dialogues.
Ce n’est pas grave s’ils ne sont pas très travaillés. Il faut juste que je puisse relire l’idée générale de ce que je voulais exprimer.
Je les écris de la manière la plus spontanée possible, pour que le déroulement de l’épisode soit fluide au maximum. Pour l’instant, je les écris à la main, pour ne pas perdre le fil de mon imagination.
Retravailler l’ensemble
Une fois le premier jet du chapitre 4 d’ « Inséparables » terminé, je me relis plusieurs fois.
Je commence par déterminer quelles cases méritent un espace plus grand (ou plus petit au contraire), selon l’importance de ce qui s’y passe.
Je décide de me laisser une très longue bande vide disponible sur la fin de l’épisode, afin d’évoquer un changement de saison en image, sans utiliser de texte (Image à droite).
En relisant le chapitre en entier, je me fais une meilleure idée du rythme. Alors je créé de plus grands espaces entre les cases, ou je les réduis au contraire.
Si j’ai une idée de cases à combiner les unes aux autres, j’en fais un petit croquis rapidement. Ce genre d’image donne une bonne impression à la lecture d’un webtoon, et les enchainements d’images incitent le lecteur à scroller vers le bas.
Une fois satisfaite du déroulement général de mon épisode, je peux commencer à préparer son passage au propre.
Le storyboard définitif
Dans cette étape, je reprends le premier jet de mon chapitre pour améliorer les croquis qui me serviront plus tard pour repasser mes lignes.
Les bulles
Avant de retoucher mon crayonné, je me force à écrire et tracer toutes mes bulles au propre.
Ainsi, je connaitrai la place exacte que le texte prend dans l’espace, et il me sera plus facile de relire l’épisode 4 d’ « Inséparables », en entier.
J’utilise du noir, pour le texte comme pour les bulles, contrairement au line de mes illustrations. (J’en reparlerai plus tard.)
Le texte changera peut-être à nouveau, mais je considère en l’écrivant qu’il s’agit sûrement de ma version définitive.
Pour tous les dialogues d’ « Inséparables », j’utilise la police « Canted Comic », que j’ai trouvé sur le site Dafont.com.
Je l’ai choisi parce qu’elle est non seulement adaptée à la BD, mais qu’en plus elle me semble plus élégante que d’autres. (Avant de la sélectionner, j’ai également vérifié qu’elle était 100% libre d’utilisation, pour ne pas connaitre de problèmes de droits d’auteur par la suite.)
Des croquis plus précis
Je m’attaque ensuite aux dessins. Ceux de mon storyboard ressemblaient parfois à peine à des silhouettes humaines… Alors le but du crayonné sera de les faire ressembler aux personnages d’ « Inséparables », sans pourtant être la version définitive qui me servira à repasser mon line.
À ce moment, je vérifie également que mes lignes sont correctes, que les proportions sont respectées. Pour voir d’éventuels problèmes anatomiques plus facilement, je tourne mon fichier sur l’axe de symétrie horizontale, comme un reflet dans le miroir.
J’utilise un outil dont les traits ressemblent beaucoup à ceux d’un crayon de papier (Clip Studio Paint). J’ai remarqué que dessiner mes croquis avec des lignes trop propres me bloquait pour aller vite.
Tracer les cases
Une fois que les croquis me semblent satisfaisants pour la suite, je trace le contour de mes cases.
Grâce à cette étape, je recadre chaque image pour lui donner une meilleure composition.
Je coupe également hors du cadre tous les éléments qui seraient inutiles, ou bien qui me prendraient du temps à dessiner, alors qu’ils seraient inutiles pour le scénario.
Je trace le contour de toutes mes cases sur le même calque, que je positionne au dessus de tous les autres avec un repère de couleur (pour le retrouver facilement dans l’éventualité où je devrais faire quelques changements), puis je le verrouille.
Déterminer les positions de coupe
Je dois vérifier, de temps en temps, où se trouvent les zones de coupe de mes bandes de travail, pour me faire une idée de la longueur de mes cases.
Pour ne pas avoir à les calculer à chaque fois, je me suis fabriquée un outil.
Il s’agit de repères colorés aux dimensions finales des panneaux : 800px par 1280px. J’en ai fait un document JPEG que j’importe dans tous mes nouveaux documents.
Cet outil m’est surtout utile pour déterminer les espaces en fin et en début de mes bandes de travail, puisque je ne peux pas visualiser mon épisode en entier, sur un seul fichier.
Si je finis la dernière case d’une bande près du bas du dernier panneau, je sais que la prochaine case, sur la bande de travail suivante, ne devra pas se trouver trop haut sur le premier panneau.
Si je ne vérifie pas, les respirations de rythme entre deux bandes pourraient ne pas être harmonieuses, au moment de les raccorder entre elles.
Passage au propre
Le moment est venu de passer à l’étape finale.
Le Line
Je commence par « encrer » au numérique tous mes dessins.
Pour « Inséparables », j’ai décidé de ne jamais faire mon line au noir pur : j’ai découvert qu’utiliser un marron foncé rendait un résultat beaucoup plus doux. Cela met également le noir de mes textes en valeur.
Il existe cependant un inconvénient à ne pas utiliser de noir pour les contours : je ne peux pas appliquer de couleur plus foncée que ce line marron, au moment de la colorisation, au risque de créer un effet visuel étrange…
Quand je trace mon line, j’essaye de varier les pleins et les déliés, je me force à faire différentes épaisseurs de lignes. Par exemple, je fais le contour des yeux plus épais que les autres lignes du visage.
La couleur de base
Je pose ensuite un aplat de couleur sur l’entière silhouette de chaque personnage (ainsi que sur ses accessoires), dans la couleur de peau de base de sa gamme.
Enabelle et le petit Thimey (image ci-joint) ont une couleur de peau différente, par exemple. Poser mon aplat me permet de bien voir ou commencent et s’arrêtent les éléments de chacun.
En verrouillant les pixels du calque, cet aplat me permet de ne pas déborder du line par la suite.
Il me sert donc de base pour la colorisation.
La colorisation
Pour commencer à coloriser, je créé un « masque d’écrêtage sur le calque inférieur », c’est-à-dire sur le calque où j’ai posé aplat de couleur.
Je commence toujours par la peau. Je monte les ombres, puis j’applique les blancs, sur les yeux et la bouche.
Toutes mes couleurs sont sur un calque d’écrêtage différent : de cette manière, si en faisant mes dégradés je fais une couleur trop différente de celle du personnage, je peux la modifier avec « Correction de teinte » puis « luminosité/contraste » ou « teinte/saturation/luminosité », indépendamment des autres.
Comme je le disais plus haut, mon line est en marron, alors je ne peux pas coloriser dans des teintes trop foncées. J’ai décidé, alors que je faisais mes recherches de personnages, de donner à l’ensemble des visuels d’« Inséparables », une atmosphère pastel.
Retrouver la gamme de couleurs associées à chaque personnage me prendrait beaucoup de temps, si je le faisais uniquement d’instinct. Alors je me suis fabriquée un autre outil pour me faciliter la tache.
J’utilise une grille de référence de couleur, sur laquelle j’ajoute au fur et à mesure les couleurs principales de tous les personnages d’ « Inséparables ». Je l’importe dans tous mes fichiers en rapport avec mon webtoon.
Pour coloriser un personnage, il me suffit d’utiliser l’outil « pipette » sur cette grille pour retrouver instantanément la couleur du personnage que je dessine.
Les fonds/décors des cases
Serez-vous surpris si je vous dis que je n’aime pas faire les décors ? Malheureusement, c’est grâce à l’environnement que l’on donne vie au monde que l’on dessine…
Décor de mise en situation
Pour ne pas en faire trop à la fois (sinon je perdrais patience), je me force à faire les décors de mise en situation —c’est-à-dire des décors qui se suffisent à eux-même, sans la présence de personnages— avant de faire n’importe quelle autre case.
Ce type de décor me prend énormément de temps, parce que je trouve très difficile d’en être satisfaite.
Je n’en fais pas plus qu’un ou deux par épisode d’ « Inséparables ».
Les fonds de cases
Les fonds de cases sont des versions simplifiées de décor, dont je me sers pour donner une illusion floue de là où se trouve le personnage.
Je ne redessine pas ces décors-là dans toutes les cases, je me contente de le faire sur deux ou trois cases, puis de copier-coller dans les autres, selon l’angle de vue où l’on voit les personnages.
Pour les plans très rapprochés, je me contente d’appliquer une couleur similaire à celle du décor, pour ne pas perturber l’œil du lecteur.
Pour le moment, les scènes d’« Inséparables » se déroulent en été, alors les feuilles des arbres permettent de décorer une page facilement, sans pourtant y passer trop de temps.
Publication du chapitre 4 d’ « Inséparables »
La vignette
Durant toute la conception de l’épisode 4 d’ « Inséparables », j’ai réfléchi à quel dessin j’allais pouvoir utiliser comme vignette, en tant qu’aperçu du chapitre.
Pour le moment, comme je ne suis qu’au début de mon histoire, j’essaye de mettre un personnage différent à chaque fois, et je ne mets que des personnages apparaissant dans le chapitre.
Les trois premiers épisodes montraient une partie d’un visage de face, avec un seul œil de visible. J’ai décidé que grâce au chapitre bonus qui arrive juste avant l’épisode 4, et qui a un design complètement différent, je pouvais changer la pose.
J’hésitais à utiliser une image d’Orlun ou de Chloriane, mes deux personnages fraichement arrivés. Après réflexion, je me suis figurée que plus de personnages masculins apparaissaient dans les vignettes que de personnages féminins.
Cet épisode sera donc représenté par l’archimage Chloriane, et l’image sélectionnée est de profil. J’essayerai donc, pour les vignettes suivantes, de trouver des personnages de profil également !
Le nom du chapitre
Je ne décide le nom du chapitre qu’une fois que tout le reste est terminé.
Il faut que je sois sûre qu’il résume ce qui se déroule dans l’épisode, pour que le lecteur puisse le retrouver facilement dans la liste des chapitres d’ « Inséparables ».
Je m’amuse depuis le premier épisode à donner des titres très courts… Mais je dois avouer que ça devient compliqué !
Ce chapitre s’intitule « Les Secrets » puisque plusieurs y sont révélés.
Mise en ligne
Je dessine « Inséparables » durant mes moments de libres, qui ne sont pas si nombreux… Sachant que je dessine le soir et le week-end seulement, il me faut environ un mois pour dessiner chaque épisode…
Alors j’essaye de me tenir au minimum à ce rythme.
Mon moment préféré de la semaine pour poster un épisode est le vendredi soir, où j’ai l’impression de pouvoir toucher un maximum de lecteurs !
Conclusion
Quand je n’en étais encore qu’au stade de l’idée, j’ai pris la décision de dessiner dans un style qui me plaisait, quitte à passer beaucoup de temps sur chaque chapitre.
Mes dessins ne sont pas toujours parfaits, mais je me rends compte que je m’améliore, à force de travailler sur « Inséparables » tous les mois !
Je vous invite encore une fois à découvrir mon univers sur Mangadraft, si vous ne le connaissiez pas encore, et je vous dis à très bientôt pour un nouvel article !