Que ce soit dans les films, les romans ou la BD, les dialogues sont presque toujours des éléments clés du récit et de sa réussite. Leurs rôles sont multiples, de donner des informations sur l’univers, donner du relief au personnage, créer un ton humoristique ou de l’empathie avec le lecteur… Écrire des dialogues n’est donc pas un point à négliger !
Oui, mais voilà, on a vite fait d’avoir des dialogues ratés, qui cassent le rythme du récit ou la crédibilité de l’histoire et des personnages. Ce n’est pas si simple de faire de bons dialogues, alors voici quelques conseils d’écriture qui devraient vous permettre d’améliorer les vôtres. La dernière partie se penche précisément sur la BD, mais les précédentes peuvent servir à tout auteur en herbe, car en écriture, certaines choses sont universelles !
Trouver la voix de ses personnages
Les dialogues sont un élément essentiel, alors prenez le temps de les soigner : s’ils sont peu crédibles, ils risquent de limiter l’attachement des lecteurs en paraissant froids, ou même de les sortir de l’histoire si cela leur paraît ridicule. Voici quelques pistes pour vous aider à trouver le ton juste.
Le premier point que je voudrais aborder n’est pas le plus simple : il s’agit de chercher le ton et les mots justes, ceux que prononceraient vos personnages s’ils existaient réellement. Ici, on parle de réalisme et de crédibilité du personnage, comme je l’évoque dans mon article sur comment écrire des personnages crédibles et attachants.
De la diversité
Mauvaise nouvelle : vous ne pourrez probablement pas vous contenter d’écrire vos dialogues comme vous parlez vous-même. Tout simplement parce que vous aurez plusieurs personnages, et qu’à priori, ils seront différents les uns des autres. Vous aurez des enfants, des adultes, des professeures et scientifiques ou des camionneurs. Il y a des chances pour que les personnages qui vous ressemblent soient les plus faciles à écrire, et que d’autres vous donnent du fil à retordre.
Astuce : Vous pouvez lister vos personnages pour faire un premier point et réfléchir à la manière dont ils vont se différencier : âge, arrière-plan culturel, etc. Voyons ça plus en détail !
Le niveau de langue
Il sera lié à l’âge de vos personnages (un peu) et à leur arrière-plan culturel (beaucoup). Un enfant utilisera des mots et tournures de phrases plutôt simples, un adolescent un peu rebelle se régalera à dire beaucoup plus de gros mots que nécessaire, un professeur de français cherchera la bonne tournure et va aller plus dans le détail, une personne d’origine étrangère cherchera ses mots, pourra très bien parler par certains côtés, tout en s’embrouillant dans les déterminants ou en utilisant tout à coup un mot inapproprié…
Plus vos personnages seront en accord avec ce qu’on attend de leur manière de parler, plus ils paraitront crédibles. Voici des exemples de points précis pour réfléchir à ce niveau de langue :
- Votre personnage a-t-il fait des études ou vient-il d’une famille cultivée ?
- Votre personnage vient-il d’un milieu plutôt riche ou pauvre ?
- Est-il vulgaire ou au contraire très poli ?
- Plutôt jeune ou âgé ?
- A-t-il un accent ? est-il le seul à l’avoir ?
Le vocabulaire
Le vocabulaire est un élément clé de la crédibilité des dialogues et des personnages. Parfois, il suffit d’un mot pour faire voler en éclats la suspension d’incrédulité. Votre petite sœur ne dira pas que votre pull est « désuet », tout comme votre grand-mère ne parlera pas de « s’enjailler ». Comme tout le reste, les mots et les expressions ont leur mode, et ce qui était « jeune et branché » à un moment devient vite « ringard » quelques mois ou années après.
Astuces : prenez le temps d’écouter comment parlent les gens de votre entourage, que ce soit votre famille ou les personnes que vous entendez bavarder dans les transports en commun. Quels mots ou expressions vous paraissent étranges et surprenants ? N’hésitez pas à les noter dans un carnet que vous trainez partout, quitte à chercher plus tard le sens des mots que vous avez entendu.
Voici quelques questions que vous pouvez vous poser :
- À quelle époque/dans quel univers se passe votre histoire ?
- Est-ce qu’un de vos personnages vient d’un autre milieu (personnage très âgé, venu d’un autre monde, d’une autre époque…)
- Est-ce que votre personnage a une activité qui implique de connaitre un vocabulaire spécifique (marin, scientifique, médecin, etc…)
En vérité, tout le monde a un vocabulaire personnel : du rappeur au pharmacien en passant par la femme de chambre, chaque métier a son jargon. Si voulez améliorer le réalisme, et donc l’immersion de vos dialogues, n’hésitez pas à aller lire ou discuter directement avec des personnes faisant le métier de vos personnages. Cela vous évitera de faire des dialogues de « remplissages » en vous donnant une meilleure idée de ce qu’est leur travail et de la manière dont ils en parlent… vraiment.
Attention tout de même à ce que les dialogues soient compréhensibles ! Si vous employez des mots inconnus de vos lecteurs, il faut éviter qu’ils soient trop nombreux (à moins de vouloir représenter un personnage lui-même largué dans la discussion) et faire attention à ce que le contexte permette de comprendre ce qui se dit.
Les interactions et le contexte
Vous aurez eu l’occasion de le tester, on ne parle pas de la même manière selon le contexte : dans la cour de récrée, en soirée ou durant un entretien d’embauche, le niveau de langue et le ton changent. Par exemple, vos personnages vont sûrement tutoyer certaines personnes et en vouvoyer d’autres.
Parfois, ils seront en « représentation » (en cours, en conférence, sur scène…) et feront très attention à ce qu’ils disent et renvoient comme image. À d’autres moments, ils seront plus détendus et parfois plus « cashs » avec des personnes qui leur sont proches (en disant plus clairement ce qu’ils ressentent, en disant beaucoup de gros mots, etc.) Certains peuvent parler en patois, faire des private jokes ou avoir des expressions familiales, pour augmenter la diversité de la langue.
Vos personnages voudront communiquer de la manière la plus adaptée selon le contexte. Ils voudront se faire comprendre, s’adapter à leur public. C’est valable pour vos personnages, mais aussi pour vous, auteur. Gardez cet aspect dans un coin de votre tête en relisant vos dialogues !
Le ton juste
En mélangeant tous ces éléments, chaque personnage devrait avoir une façon de parler unique : sauf exception, tout le monde aura un langage plutôt oral, mais chacun aura des mots choisis, des tournures de phrases, des tics de langage… La crédibilité des dialogues va reposer en grande partie sur cet équilibre qui sera propre à chaque personnage. Distinguer les personnages, c’est bien, mais attention à ne pas tomber dans la caricature en accumulant trop de choses ou en étant trop répétitif dans vos dialogues.
Enfin, il y a la manière de s’exprimer, mais aussi, tout simplement, ce que va dire chaque personnage durant vos dialogues, en fonction de son caractère et de son point de vue. Un personnage contre la violence ne devrait logiquement pas se réjouir que son ami parle d’aller tabasser quelqu’un. Prenez donc le temps de vous demander « Est ce que X dirait vraiment ça ? Est-ce que c’est cohérent avec son caractère, avec la situation ? »
Quand vous écrivez une ligne de dialogue, l’idéal serait que le lecteur puisse attribuer la réplique à son personnage sans se poser trop de questions, à partir de ce qu’il a vu et lu jusque-là. Cela sera particulièrement utile quand vous écrirez des dialogues de BD hors champ, que vous ne pourrez pas associer la bulle directement au personnage qui parle.
Quelles informations donner (ou ne pas donner) dans vos dialogues
J’ai donné beaucoup de conseils d’écriture sur de comment on dit les choses, parce que c’est très lié aux personnages, mais il est tout aussi important de se demander de quoi on parle à l’intérieur de nos dialogues. Voici quelques conseils d’écriture généraux qui devraient vous aider à éviter des pièges courants.
Écrire des dialogues qui font avancer l’histoire
Dans la vraie vie, on parle beaucoup, de tout et de rien, et la plupart de ce qu’on dit n’est tout à fait oubliable. « Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? Pizza ou haricots verts ? » « Qu’est-ce qu’il fait froid aujourd’hui ! » sont des choses qu’on peut dire, mais qui n’ont bien souvent pas leur place dans des dialogues de BD. Je vous conseille donc d’éviter de faire des dialogues inutiles à l’histoire et de vous concentrer des informations qui feront avancer votre scénario. Voici quelques exemples de ce qu’une réplique peut apporter :
- Une révélation qui remet en question ce qu’on savait déjà (le plot twist dans une enquête, par exemple)
- Une information qui permet au personnage d’apprendre quelque chose, d’agir, d’avancer dans l’intrigue (« votre amie enlevée a été emmenée aux docks »)
- Une information qui fait évoluer la relation entre des personnages. Cela peut être un moment fort (une déclaration d’amour, une dispute, la révélation d’une trahison) ou plus subtil (des personnages deviennent plus complices, une petite phrase qui touche l’un des personnages…)
- Une information qui permet de mieux comprendre l’un des personnages (un aveu sur son caractère, ses problèmes, son passé, ses sentiments…)
- Une question en suspens qui donne envie au lecteur d’en savoir plus sur un sujet auquel il ne pensait pas vraiment jusque-là.
- Une information qui permet de mieux comprendre l’univers.
- Un élément qui contribue à l’ambiance que vous voulez donner à l’histoire (ton humoristique, poétique, etc.)
- Un effet de décalage entre ce que dit le personnage et la réalité, en juxtaposant le texte et l’image qui forment deux histoires parallèles et révèlent le mensonge ou l’ignorance du personnage.
Comme vous le voyez, certains éléments de vos dialogues seront plus impactant que d’autres dans l’histoire. On ne peut pas faire des révélations à 100 % du temps, cela perdrait toute saveur et serait désagréable à lire. Il faut aussi de l’espace pour développer les relations entre les personnages, poser l’univers, son ambiance, etc. Des dialogues qui ne font pas avancer directement l’intrigue, mais permettent de s’attacher aux personnages sont également utiles à l’histoire !
Enfin, il est possible (et même conseillé !) de cumuler ces rôles de vos dialogues. Une réplique peut à la fois faire avancer l’histoire en révélant quelque chose d’utile, définir le personnage ET être drôle.
Attention à l’infodump !
L’infodump, c’est un peu l’équivalent en écriture de jeter une encyclopédie à la tête de votre lecteur. C’est donner trop d’informations, trop longtemps, au mauvais moment, de manière mal organisée, mal hiérarchisée… Bref, c’est quelque chose à éviter autant que possible !
Ce problème d’écriture est courant dans les romans, surtout en fantasy et SF, dans lesquels, en plus des personnages, il y a tout un univers à présenter. Vous pensez peut-être que le format BD vous protège de ça ? Attention, ce n’est pas toujours vrai !
J’ai vu de nombreuses fois des introductions de BD avec de longs textes plus ou moins illustrés qui expliquent le fonctionnement de l’univers. Pendant plusieurs pages, on mange des tartines de textes sur quelque chose qu’on ne connait pas, et on n’a toujours pas vu le bout du nez d’un personnage… Pour être honnête, j’ai souvent abandonné ce genre d’histoire sans leur donner leur chance. Et ce problème peut aussi se retrouver dans vos dialogues, quand vous voulez dire trop de choses.
Vous voulez décrire un univers ? Soyez brefs, et allez-y par petites touches ! Il vaut mieux commencer par une présentation simpliste que vous nuancerez ensuite à travers vos dialogues, que par une thèse qui fera fuir le lecteur. Une introduction de 1 à 3 pages pour poser l’idée la plus importante à retenir sera assez courte pour ne pas faire fuir le lecteur (à condition de ne pas l’inonder de texte).
Il n’attend qu’une chose : de l’action, du concret ! Préférez les dialogues entre des personnages à des présentations « dans le vide ». Vous pourrez toujours ajouter des informations ici et là au fur et à mesure qu’elles seront nécessaires à l’histoire. Et n’oubliez pas : plus vous en dites, moins on en retient !
Si vous vous rendez compte que vous avez beaucoup – trop – d’informations ou de texte, voici ce que vous pouvez vous demander :
- Quels sont les points que je dois présenter immédiatement pour qu’on comprenne l’histoire ?
- Quelles informations je peux faire passer dans des dialogues ?
- Qu’est-ce que je peux faire apparaître plus tard, ou ne pas faire apparaître du tout ?
- Est-ce qu’une partie de mon texte peut être transposée en dessin ?
- Est-ce que je peux réduire le nombre de personnages présentés dans la scène ?
- Et enfin, pour ce qu’il reste, est-ce que j’ai un moyen de dire la même chose de manière plus synthétique ?
L’avantage de la BD, c’est que vous pouvez faire passer beaucoup d’informations par l’image : sans une ligne de texte, vous pouvez informer le lecteur, selon que vous ayez dessiné un vaisseau spatial, un jardin public ou une taverne, du genre d’univers où se passe votre histoire. Vous pouvez également utiliser le langage corporel de votre personnage pour faire passer des émotions de manière plus directe que dans vos dialogues. Réfléchissez aux informations que vous pouvez faire passer par l’image pour alléger votre texte.
Vous introduisez un personnage ? Même combat : misez sur l’image pour faire passer un maximum d’informations. Ensuite, concentrez-vous sur ses caractéristiques les plus visibles (son métier, un trait de caractère fort, etc. Enfin, jouer sur les dialogues pour compléter sa présentation.
Dans un roman, si on introduit un personnage en faisant une description d’une page qui recrache sa fiche, on peut être sûr que le lecteur n’aura rien retenu à la fin… y compris les choses vraiment importantes ! Votre lecteur n’a pas besoin de tout savoir, et il n’a sans doute pas envie. Concentrez-vous sur un aspect en particulier pour le rendre marquant, le reste viendra après ! C’est en retenant vos informations qu’il voudra en savoir plus.
Quelques techniques pour limiter l’infodump
La méthode la plus classique pour limiter les longues pages d’introduction, c’est souvent de l’intégrer à l’histoire de manière plus ou moins subtile :
- Fuir l’effet « Black et Mortimer » comme la peste : doubler l’action en décrivant exactement ce que le lecteur voit déjà dans la case, c’est un peu le prendre pour un idiot. C’était courant dans la BD il y a un siècle, mais ça se justifiait à l’époque par un genre émergent dont les gens n’avaient pas les codes. Aujourd’hui, cela ne fait qu’alourdir la lecture et donner l’impression que l’auteur n’a pas confiance en ses dessins.
- La présentation façon « roman illustré » est un classique côté fantastique. Il peut y avoir des versions « encyclopédie » qui peuvent se prêter à la SF, mais soyons honnêtes, il faut que ça reste court, et les jolis dessins ne suffisent pas toujours à rattraper un texte ennuyeux. Ne tardez pas trop à faire entrer vos personnages en scène !
- La technique de l’ignorant : le personnage principal est amnésique, inexpérimenté ou découvre un nouveau monde. Il pose plein de questions et les autres personnages lui répondent avec plus ou moins de bienveillance. Cela permet de présenter l’univers au fur et à mesure de l’histoire de manière plus naturelle que sous forme de cours. Cette technique fonctionne plutôt bien, mais attention, elle est très utilisée et peut lasser le lecteur !
- L’infodump parodique : un personnage étale sa science à travers de longues explications… mais personne ne l’écoute ! Cela peut créer une dynamique entre les personnages intéressante tout en glissant des clins d’œil à la suite qui récompenseront les lecteurs attentifs.
- L’information d’arrière-plan : besoin que l’on sache qu’il va y avoir une tempête ? Que Machin est président ? Qu’il y a une pénurie de café ? Certaines informations peuvent avoir leur importance sans que l’on veuille broder tout un dialogue autour ou l’expliquer en détail. On peut alors la glisser en « bruit de fond » de l’histoire : durant un cours sans que le personnage ne le suive vraiment, à la télé ou à la radio, dans un journal, une affiche…
Ce que savent les personnages
Un autre piège dans la rédaction de dialogues, c’est cette tendance à vouloir faire dire aux personnages des évidences pour en informer le lecteur. Sauf que… une personne ne va pas informer une autre de quelque chose qu’elles savent déjà !
Imaginez, vous n’allez pas expliquer à votre frère que 2 et 2 font 4, ou quelle est votre différence d’âge, ou qui est votre mère alors que vous la croisez tous les soirs ? Alors, pourquoi votre personnage expliquerait en détail comment sa femme l’a quitté du jour au lendemain l’année dernière, alors que son ami d’enfance a suivi l’affaire de bout en bout ?
Si vous commencez par « Tu sais que », et que ce n’est pas une question, cela doit vous mettre la puce à l’oreille. Si l’autre personnage le sait, pourquoi le lui dire ? La seule raison de ramener un sujet sur le tapis sera d’y apporter quelque chose de nouveau.
Si un personnage parle à un autre, il ne va pas lui dire :
- Des éléments de l’univers qu’ils connaissent déjà tous les deux.
- Des éléments de sa vie qu’ils ont vécus ensemble ou qu’il a forcément déjà racontés en détail.
- De manière générale, des choses connues de l’un et l’autre.
Un personnage va également éviter les sujets intimes ou honteux, à moins que le contexte s’y prête (les discussions sur l’oreiller, les personnages qui ont trop bu, une preuve de confiance qui pousse à donner quelque chose en échange, un aveu indispensable pour faire quelque chose…)
Comment adapter ses dialogues au format BD
L’essentiel de ce que j’ai dit jusqu’ici est valable pour les dialogues de n’importe quel type d’histoire… mais il est temps de parler des points spécifiques à la BD !
Le volume du dialogue
Le texte, ça prend de la place. C’est un peu une évidence, dit comme ça, mais c’est quelque chose à ne pas perdre de vue en BD. Ça ne vous est jamais arrivé d’écrire vos dialogues à part, puis de vous lamenter parce que « ça ne rentre pas dans les bulles » ? De devoir les agrandir, les agrandir encore, au point que vos décors disparaissent et que vos bulles effleurent les joues de vos personnages comme des dragueurs un peu trop insistants ?
Dans un roman, le texte fait tout. Il prend tout la place et tout le rôle. Dans des dialogues de BD, il doit fonctionner avec l’image. Pour cela, il faut lui laisser de la place, afin de représenter les personnages et leurs émotions, les décors, les détails… Ce qui veut dire qu’il faut réduire le texte (surtout si, comme moi, vous écrivez aussi au format roman).
Voici quelques conseils d’écriture que vous pouvez appliquer pour raccourcir un dialogue de BD. Commencez par le relire et repérer :
- Les répliques de « remplissage » : les « bonjour, ça va ? » « oui et toi ça va ? » « bien, bien, c’est bien si ça va. » Vous pouvez souvent les enlever et rentrer directement dans le vif du sujet !
- Les introductions/conclusions inutiles : Vous avez cherché à amener un sujet, ou à clore une conversation, mais au bout du compte, vous aviez déjà dit ce que vous aviez à dire ? Regardez si vous pouvez couper la scène plus tôt ou condenser cette conversation inutile en quelque chose de plus direct.
- Les éléments que vous avez écrits pour faire passer une émotion : n’oubliez pas que vous avez aussi l’image pour décrire l’émotion des personnages, et que parfois, un silence vaut mieux qu’un long discours.
- Les tournures de phrases : double négation, adverbes, adjectifs « un peu », « parfois »… autant de petits mots qui, mis bout à bout, peuvent alourdir un texte. N’hésitez pas à retirer tous ses mots qui, bien souvent, n’apportent pas grand-chose au dialogue.
- Les choses qui peuvent être fusionnées : vous avez une phrase pour donner une information, puis une deuxième pour décrire l’émotion du personnage ? Pourquoi ne pas reformuler cette première phrase pour en faire un « 2 en 1 » ?
Bref, pour adapter votre texte à une BD, le mettre mot est « synthétiser ! » Regardez tout ce que vous pouvez supprimer, densifier, raccourcir. Vous verrez que chaque mot compte, et que changer un verbe ici vous permettra parfois de retirer une réplique entière. L’exercice est difficile, vous pouvez relire vos dialogues plusieurs fois pour réduire peu à peu, en vous concentrant sur un aspect, puis un autre…
Les dialogues de BD
Vous avez abrégé, densifié vos dialogues. Maintenant, il est temps de voir quel rythme leur donner, comment l’intégrer à vos planches. La première chose à faire est de conserver une lisibilité et une cohérence dans le sens de lecture : veillez à ce que le regard du lecteur aille de case en case et lise les bulles dans le bon ordre. Parfois, il suffit de déplacer une bulle un peu plus en bas ou à gauche pour rendre la lecture plus fluide. N’hésitez pas à lire l’article de Karine positionner les bulles efficacement pour avoir plus de conseils.
Jouer sur le rythme
En débutant, vous serez peut-être tentés de faire une bulle par case. Une case, un personnage, une bulle… C’est régulier, facile à comprendre, mais ça risque vite de vite devenir monotone. N’hésitez pas à varier le rythme de vos dialogues de la même manière que vous variez la composition de vos planches !
Par exemple, vous avez un plan large avec quatre personnages qui discutent ? C’est le moment d’accumuler des bulles et des lignes de dialogue à l’intérieur d’une même case : les personnages se retrouvent, discutent, chahutent peut-être… ça parle vite et les répliques fusent.
Au contraire, vous écrivez un moment d’intimité, une discussion un peu difficile… vous aurez sans doute envie de faire davantage de gros plans sur les visages de vos personnages, mais aussi davantage de silence. Le rythme ralentit, le temps s’étire, les dialogues se font rares. Vous pourrez scinder une réplique entre plusieurs bulles pour faire sentir les pauses et hésitations de vos personnages, laisser passer un long silence avec une case montrant le décor autour d’eux, des mains tremblantes, les jambes des personnages, un sac à leurs pieds…
Astuce : une personne intimidée aura du mal à regarder les autres en face, surtout pour dire quelque chose de difficile. Vous pouvez retranscrire cette timidité en travaillant avec des cadrages qui s’attardent sur tout ce qu’il y a autour, des gros plans sur les mains, le bas du visage, les pieds, etc. de manière à imiter le regard de quelqu’un qui n’arrive pas à lever les yeux vers la personne à qui elle parle. Cela permet aussi de laisser un temps de suspens sur la réaction de l’autre personnage.
Jouer sur le rythme de vos dialogues, c’est comme travailler le rythme au cinéma. Le format est différent, mais le timing est tout aussi important. Une réplique bien placée peut créer un effet de surprise, un gag ou un instant d’émotion. Soyez attentif au placement de vos répliques de leur découpage, pour mettre en valeur les éléments vraiment importants et ne pas les mettre trop tôt ou trop tard !
Quelques points à retenir :
- Varier le rythme des dialogues tout comme la composition aide à éviter d’avoir des pages monotones
- Accumuler des bulles à l’intérieur d’une même case donnera une impression de rapidité des échanges (on peut même dérouler deux dialogues en parallèle, à condition que les deux discussions soient clairement séparées pour le lecteur)
- Pour créer un moment contemplatif ou une scène axée sur l’émotion, il peut être utile de ralentir au contraire, de laisser passer des moments de silence, ou de faire courir une réplique de dialogue sur plusieurs cases pour lui donner plus de lenteur et d’importance.
- Ce que l’on représente autour du dialogue a autant d’importance que le dialogue lui-même : expression des personnages, décor, composition, etc…
Donner de la crédibilité au dialogue par l’image
Vous l’aurez compris, pour écrire des dialogues de BD efficaces, il faut les intégrer à l’image : toutes les indications et descriptions que l’on aurait dans un roman sont remplacées par vos dessins. C’est une bonne chose quand il s’agit de transmettre des émotions de manière immédiate, mais cela peut aussi être un problème, surtout si votre dialogue est long !
Champ, contrechamp, gros plan, champ, contrechamp, plan large… vous tournez en rond pendant vos dialogues et vous ne savez plus quoi faire pour composer votre page en variant les plans ? Vos personnages sont plantés là et vous ne savez plus quoi en faire ?
Ce problème peut bien souvent être arrangé en couplant les dialogues à une action, même la plus banale du monde. Cela peut être :
- Marcher, voyager : en se déplaçant de lieu en lieu, on peut faire évoluer le décor autour des personnages, jouer sur leur placement l’un par rapport à l’autre et recréer de la variété
- Faire une tâche ménagère : la vaisselle, le ménage, préparer un repas… autant d’activités familières que l’on aime autant faire en papotant et qui peuvent occuper les mains de vos personnages.
- Accomplir un travail : cela permet de montrer son métier et son cadre de vie sans avoir besoin de le raconte en détail.
Toutes ces activités, ces à-côtés (qui peuvent ne pas avoir de rapport direct à la discussion) sont autant d’occasions de faire bouger les personnages : changement de posture, déplacements l’un par rapport à l’autre, gestes, changement de l’environnement… Cela peut donner des informations sur le personnage (quel métier fait-il ? dans quel monde vit-il ? Dans ce duo ou trio, y a-t-il une répartition des tâches particulière ?)
Cela permet aussi de rendre l’univers autour plus crédible en montrant des petits détails du quotidien. C’est l’occasion de montrer tous ces petits objets ou animaux de votre Lore de projet de fantasy, sans que ça envahisse l’histoire avec des informations inutiles à l’intrigue.
Enfin, en jouant sur ces petits mouvements, ces petits détails (une main coupant une tomate, de l’eau qui coule, une porte qui se ferme…), on peut aussi appuyer la discussion de manière symbolique. Cela peut-être :
- Un objet comme allégorie d’un personnage (que lui arrive-t-il ?)
- Un élément dessiné qui accentue une émotion (par exemple, un plan « sous l’eau » quand un personnage parle de son mal-être)
- Une case dont la composition crée un effet sur le lecteur (par exemple, un effet fisheye va souvent créer un sentiment d’inconfort ou d’être observé, une verticale ascendante pour donner une impression de dynamisme ou d’un événement imminent)
- etc…
Vous l’aurez compris, vos dialogues doivent porter du sens, mais vos dessins aussi. L’un ne va pas sans l’autre, et vous aurez besoin de l’association des deux pour faire un storyboard de qualité.
Conclusion
La difficulté de faire une BD est sans doute de trouver le bon équilibre et d’être précis dans le choix des mots. Côté dialogue, cela veut dire chercher le bon compromis entre réalisme et efficacité : vos dialogues seront en général bien plus courts qu’une véritable discussion, tout simplement parce que vous n’aurez pas envie de perdre votre vie à simplement dessiner des pages ou les personnages racontent des banalités !
Pourtant, c’est aussi très shonen de faire des kilomètres de dialogues au milieu d’un combat. Cela fait partie des codes du genre, mais… personne ne fait ça dans la vraie vie ! De même, le cliché du méchant qui pense avoir gagné et raconte son plan en détail à ses ennemis, permettant au héros de sauver le monde in extremis a peu de chance d’arriver dans la vraie vie. Bref, vous l’aurez compris, même si vous cherchez le réalisme dans les répliques, le rythme de vos dialogues n’aura souvent pas grand-chose à voir avec celui de discussions réelles. Rien ne vous empêche d’utiliser ces clichés, mais maniez-les avec précaution.
Bref, j’espère que cet article vous donnera les clefs qu’il vous faut pour améliorer vos dialogues… et n’oubliez pas : moins les mots sont nombreux, plus il est important de choisir les bons !
merci pour les conseils.
Astuce : une personne intimidée aura du mal à regarder les autres en face, surtout pour dire quelque chose de difficile. Vous pouvez retranscrire cette timidité en travaillant avec des cadrages qui s’attardent sur tout ce qu’il y a autour, des gros plans sur les mains, le bas du visage, les pieds, etc. de manière à imiter le regard de quelqu’un qui n’arrive pas à lever les yeux vers la personne à qui elle parle. Cela permet aussi de laisser un temps de suspens sur la réaction de l’autre personnage.
Jouer sur le rythme de vos dialogues, c’est comme travailler le rythme au cinéma. Le format est différent, mais le timing est tout aussi important. Une réplique bien placée peut créer un effet de surprise, un gag ou un instant d’émotion. Soyez attentif au placement de vos répliques de leur découpage, pour mettre en valeur les éléments vraiment importants et ne pas les mettre trop tôt ou trop tard !