Bonjour, les petits traits ! C’est Dowly ! Vous souhaitez connaître une autrice de manga ? Savoir comment scénariser une histoire ? Cette fois-ci, j’espère que vous allez être transportés par l’interview de Kriza Lied, autrice de manga spécialisée dans le scénario ! Allons-y !
Présentation d’une autrice : Kriza Lied
Nous avons donc pour invitée Kriza Lied, autrice du manga Never Surrender, mais aussi gérante de Motive ta plume ! En 2015, Kriza Lied débute le premier chapitre de Never Surrender. Puis, en 2019, elle ouvre un atelier de scénario pour les personnes ayant des projets mais qui hésitent à se lancer ! Kriza Lied, je te laisse te présenter plus en détail !
Kriza Lied : Bonjour à tous et à toutes ! Bien, je pense que la présentation est déjà assez complète ! J’officie sur internet sur le pseudo de Kriza Lied, mon prénom dans la vraie vie (enfin la vraie vie… la vie IRL quoi !) étant Isabelle, et j’ai bientôt 30 ans !
Il y a environ 8 ans, j’ai fait une formation pour devenir autrice de manga, et j’ai été surtout formée en scénario et story-board, c’est pendant cette formation que j’ai créé mon projet principal, Never Surrender !
Question basiques
Dowly : On passe aux questions basiques à présent ! Es-tu prête… ?
Q1 : Tu as voulu être dessinatrice de manga à la sortie du lycée, si je me trompe pas ?
Kriza Lied : La première fois que j’y ai songé, j’avais 12 ans… Mais j’ai vite déchanté quand j’ai vu que même mes camarades de classe avaient des ambitions plus « réalisables ». Après mon Bac L, j’ai tenté la fac (psycho) mais j’ai arrêté au bout d’un mois.
Puis j’ai fait un an dans une école de stylisme, mais j’ai foiré mon examen de passage en deuxième année alors j’ai quitté ce milieu. Après un ou deux ans d’introspection, j’ai présenté ma candidature à l’école de manga (AAA Paris), et là on peut dire que j’ai commencé à vivre ma meilleure vie !
Q2 : Et tu as intégré une école de manga ! Est-ce qu’elle t’a apporté beaucoup dans tes techniques créatives et tes scénarios ?
Kriza Lied : Elle m’a apporté absolument tout. En y arrivant je pensais être déjà bonne en scénario, que nenni. J’y ai appris à concevoir une histoire, à y faire passer des messages, à me focus sur la psycho de mes personnages, à créer un univers, à story-boarder un projet…
Et j’ai découvert que j’étais pas mauvaise pour ça ! Le système scolaire classique n’avait pas nécessairement fait de moi quelqu’un de bien dans ses pompes, l’école de manga m’a révélé que j’avais peut-être des choses à exploiter au final !
Q3 : Le scénario est quelque chose qui te semble essentiel dans n’importe quel type de récit, pourquoi ?
Kriza Lied : Comme dirait mon ancien professeur (Kaori Yoshikawa, autrice du Manuel pour mangaka débutant), présenter une bd superbement bien dessinée mais avec un scénario superficiel, c’est comme offrir un superbe emballage cadeau… avec rien à l’intérieur.
C’est frustrant, et du coup on s’en lasse vite. Je pense que des œuvres comme L’attaque des titans ou l’excellent Mob psycho 100 défendent bien cette idée. Le dessin peut être perfectible, voire bancal, mais si l’histoire derrière est marquante, touchante, saisissante, tu peux passer outre la forme pour vivre une expérience incroyable avec le fond.
Je pense qu’une œuvre, quelle qu’elle soit (film, série, BD, jeux vidéos) a beaucoup plus à nous apporter avec un scénario léché qu’avec une forme impressionnante. Ensuite si le fond et la forme sont dingues, alors là on a un jackpot !
Q4 : Quelles sont tes étapes de création ?
Kriza Lied : En général tout part d’une simple idée. Par exemple, actuellement je travaille sur un one-shot pour un concours et l’idée de base m’est venue pendant une journée Pôle Emploi où une simulation m’a dit que j’avais le profil pour être gardienne de cimetière (sans commentaire).
Mon esprit a vagabondé, et je me suis demandé ce que serait une histoire avec des gardiens de cimetière tous puissants qui combattraient le mal ! Et bim, une idée de base. À partir de cette idée, je réfléchis à ce que j’ai envie de raconter et SURTOUT, ce que j’ai envie de dessiner (car bon, faut y prendre un minimum de plaisir, genre j’ai pas envie de dessiner de vaisseaux spatiaux, je ne fais pas de SF). Je crée alors mes personnages, et je me demande ce qu’ils ont à partager avec le lecteur. À partir de ça, je crée l’histoire. Ensuite le schéma classique : story-board, crayonné de planche, encrage, trame, etc.
Q5 : Comment organises-tu une journée de travail ?
Kriza Lied : Alors j’ai la malédiction d’être plus efficace quand je travaille le soir, donc mes journées de travail commencent en général à 20h/21h (ne faites pas ça chez vous). En journée je fais tout ce qui concerne mon appartement (courses, lessive, etc.).
Q6 : Qu’est-ce qui te met en galère, que ce soit en dessin ou en écriture de scénario ?
Kriza Lied : Le dessin technique pur, anatomie, proportion, perspective, etc. J’utilise pas mal d’astuces pour aider cette étape à être moins compliquée (décalquer des décors, utiliser des petits mannequins pour l’anatomie, etc.). Mais ça finit toujours pareil ! J’ai souvent (très souvent) tendance à faire appel à mon ami et collègue Dunklayth pour cette partie. Heureusement qu’il est là !
Q7 : Tu es déjà au deuxième tome pour Never Surrender, en plus de ton succès Ulule ! Mais j’imagine que ça n’a pas été simple tous les jours de créer ?
Kriza Lied : Je vais être honnête, la conception du tome 2 de Never Surrender a été très compliquée (et elle n’est pas encore finie haha). Peu après la sortie du tome 1, une très mauvaise expériences professionnelle (rien à voir avec le milieu artistique, heureusement) m’a fait plonger dans un épisode dépressif, et l’avancée du tome 2 en a été très perturbée.
Créer est quelque chose d’à la fois très satisfaisant et de très éprouvant mentalement.
Heureusement j’ai pu compter sur le soutien de mes proches, ainsi que sur la compréhension du public qui a été plus présent que jamais au moment du Ulule ! Merci à eux.
Q8 : Le syndrome de l’imposteur (c’est à dire ne pas se sentir légitime) affecte pas mal d’artistes. Tu te sens concernée par cela ? Pourquoi ?
Kriza Lied : Haha oui, je me sens concernée.
Ne nous mentons pas, le niveau du manga français est très élevée, surtout au niveau de la forme. Ça met un peu la pression d’être face à de tels mastodontes, mais je fais en sorte de voir ça comme un challenge !
Q9 : Peux-tu nous parler plus en détail de « Motive ta plume » ?
Kriza Lied : « Motive ta plume » est une émission que j’ai créée avec Dunklayth, à la base pour faire des lives Twitch où je parle de méthode de scénario (j’y ai également fait des lives jeux vidéos où je commentais la place tenue par le scénario dans ces derniers).
Les lives sont actuellement en pause, mais je continue de donner des cours, en privé à présent ! Je coache, si je puis dire, des auteurs pour les aider à s’y retrouver avec leur projet. À y mettre de l’ordre, travailler leur personnages, etc. J’ai la chance d’avoir été formée en écriture d’univers, de personnage, et j’aime partager mes connaissances. Motive Ta Plume me le permet et je pense avoir réussi à faire quelques heureux grâce à ça (j’espère en tout cas !).
Q10 : Qu’est-ce qui t’as fait dire « Je dois le faire » ?
Kriza Lied : Mon ami Dunklayth (auteur de Steel Scars et Sören) à vrai dire.
Je pense que j’avais ce besoin en moi, mais que j’arrivais pas à l’identifier. J’avais une sorte de frustration d’avoir toutes ces connaissances et de ne pas en faire profiter grand monde (à part les proches dont je corrigeais les scénario et story-board).
Créer pour moi ne me suffisait plus, et je me rappelle encore aujourd’hui à quel point j’étais remplie de gratitude envers ma prof de manga à l’époque où j’étais encore étudiante, car grâce à elle j’ai compris que mes projets étaient en phase d’être réalisables.
J’aimerais permettre à d’autres auteurs de connaître ce sentiment. La satisfaction de mettre un projet de fiction sur les rails. Tous ceux qui veulent faire de la bd, du roman, etc., devraient pouvoir ressentir ça. Donc l’ami Dunky, merci de m’avoir aidée pendant cette introspection !
Q11 : Est-ce que ça fait longtemps que tu voulais monter cet atelier ?
Kriza Lied : Oulah je ne saurais te dire…. En gros avec Dunklayth on en a parlé un mercredi, et le samedi soir le live d’essai a eu lieu, c’est allé très vite ! Ensuite, pendant deux ans, j’ai donné des ateliers à des enfants et pré-adolescents, mais c’était surtout du dessin, ça m’intéressait moins. J’étais plus attirée par le type d’atelier que j’avais en formation, ça ressemblait à des sortes de gros debriefings de scénario, c’était chouette ! J’aimerais bien un jour faire des ateliers IRL vraiment portés sur le scénario !
Du coup pour répondre à ta question, disons que inconsciemment je devais me trimballer l’idée depuis deux ou trois ans !
Q12 : Es-tu fière de ce projet ?
Kriza Lied : Pour MTP ? Fière je ne sais pas, heureuse de l’avoir oui.
Je pense qu’il y a encore moyen de faire progresser le projet et je suis moi même en train de faire des recherches pour découvrir d’autres manières de scénariser que celles enseignées à mon école (elle est très efficace, mais pas la seule à exister). Je peux donc dire que j’en suis très contente.
Q13 : Comment se passe un atelier type (avant, pendant et après) ? (pour les ateliers privés)
Kriza Lied : En général quand je prends un élève, soit il m’envoie en amont un dossier résumant son projet soit il me le présente à l’oral (IRL si l’élève peut venir me retrouver sur Nantes, ou via Discord).
J’étudie le projet, je pose éventuellement des questions à l’élève et ensuite nous définissons les premiers points sur lesquels nous allons travailler. Par exemple, si le projet de l’élève est de la fantasy il y a de fortes chances qu’on travaille l’univers, si c’est de la tranche de vie on va plutôt se focus direct sur les personnages. Mais en général les premiers cours (si l’élève a pris un forfait) est surtout pour aider l’élève à acquérir une méthodologie de travail pour l’aider dans son projet. En revanche pour un cours unique, ça se passe comme ça :
- L’élève me raconte son projet, je pose des questions.
- Je lui dis ce qui est intéressant et ce qui est améliorable.
- On voit si les méthodes que je recommande conviennent à l’élève.
- S’il y a un cours prochain, je lui dis ce sur quoi il doit travailler avant le prochain cours.
Q14 : Est-ce que tu as rencontré des difficultés dans tes ateliers privés brièvement ?
Kriza Lied : Oh non, aucun. Les élèves sont toujours attentifs, travailleurs, et surtout passionnés par leur projet. Ça s’est toujours très bien passé !
Ce que j’apprécie c’est que tous les élèves que j’ai eu ont su prendre du recul quand je leur disais ce qui clochait dans leur projet, et ça c’est appréciable.
Q15 : Une anecdote qui te fait sourire à propos de tes ateliers (privés ou lives) ?
Kriza Lied : À part que c’est difficile de se concentrer quand ton chat se roule sur le sac de ton élève pendant un cours chez toi ? Non pas grand chose, haha !
Q16 : Quelle est ta dernière lecture en date ?
Kriza Lied : Je relis actuellement l’excellente trilogie À la croisée des mondes de Philip Pullman. J’ai replongé dedans grâce à la série His Dark Materials (une merveille !). Vraiment en terme de création d’univers, c’est aux petits oignons !
Q17 : Un coup de cœur particulier en matière de lecture ?
Kriza Lied : Alors attention, je vais répondre la chose la plus clichée au monde, c’est Harry Potter.
Quand on parle Harry Potter, on parle surtout magie, baguette, etc., mais ce que je trouve incroyable, c’est l’évolution des personnages. L’histoire de ces trois pré-adolescents m’a toujours émue, et aujourd’hui encore Harry Potter est une référence pour moi en terme d’écriture de personnage.
Les combats ne sont pas que magiques et/ou physiques, ils sont psychologiques. Le deuil, le chemin vers l’âge adulte, la pertes de repères, Harry Potter illustre tellement d’expériences auquel le lecteur peut s’identifier. C’est une œuvre complète, intelligente, et qui mérite largement son succès mondial.
Q18 : Quelles étapes recommandes-tu aux jeunes créatifs en matière de scénario, brièvement ?
Kriza Lied : Tout dépend s’ils veulent créer un univers ou pas… Si c’est le cas, qu’ils n’aient pas peur à l’idée des passer des semaines, voire des mois dessus !
Pour moi l’erreur qui ne doit pas être faite en écriture (d’univers, de personnages, etc.) c’est de passer l’étape de la documentation, elle est cruciale. Si vous voulez écrire un space opera, renseignez-vous sur l’univers, si vous voulez faire des sirènes, étudiez l’océan, si vous voulez faire un personnage avec une maladie, étudiez la maladie (et ce qui s’en rapproche si elle est inventée), etc.
Pour moi, tant que ce n’est pas fait, il vaut mieux ne pas passer à la suite.
Q19 : Il y a des livres d’apprentissages à ne pas négliger quand on débute ?
Kriza Lied : Alors si vous êtes courageux je vous recommande Le héros aux milles visages (un classique), mais je vous préviens, c’est pas évident comme lecture.
Si je peux recommander un moyen d’apprendre les bases en douceur, allez voir l’excellente chaîne de l’autrice Samantha Bailly, ses vidéos sont captivantes et ne cherchent pas à te rentrer les infos dans le crâne à coup de burin.
Si vous êtes intéressés par le manga, tournez vous vers le Manuel du Mangaka débutant de mon ancien professeur : Kaori Yoshikawa. Vous aurez tout ce qu’il vous faut pour vous lancer !
Questions foireuses
Nous allons passer maintenant aux questions foireuses de l’interview ! Je rappelle les règles : il faut donner cinq chiffres entre un et vingt, et répondre très vite aux questions. Prête ? C’est parti !
Kriza Lied : 3, 6, 9, 15, 18.
Q3 : Les bandes dessinées qui sont « sur-cotées » à tes yeux ?
Kriza Lied : Je ne sais pas…. je dirais la plupart des shôjos qui fonctionnent (sauf Nana, je l’aime ce manga) ? J’aime pas les histoires dont le succès repose sur une romance, ça signifie laisser une relation amoureuse décider du bonheur d’une personne, c’est un peu trop niais à mon goût.
Q6 : Si tu pouvais vivre dans une bd, ce serait laquelle ?
Kriza Lied : Sûrement le monde de Soul Eater… Ça doit être génial de se changer en arme ! Je suppose que je finirais par m’habituer au design un peu flippant du soleil et de la lune, haha !
Q9 : Chat, chien, ou hibou ?
Kriza Lied : Les trois ! Mais surtout les chiens, je rêve d’avoir un corgi un jour, haha !
Q 15 : Tu lis plutôt des mangas, de la BD européenne ou des comics ?
Kriza Lied : Des mangas, qu’ils soient japonais, français ou autres.
Q18 : Quel film as-tu aimé regarder ces derniers temps ?
Kriza Lied : J’ai re-regardé la trilogie Kungfu panda avec mon colocataire et ma petite amie. Du grand film d’animation ! Les thèmes exploités par le scénario sont très bons, il y a de la diversité dans les personnages, aussi bien niveau des caractères que des designs, et une écriture d’antagoniste excellente dans le deuxième volet. Bref, c’était vraiment chouette à revoir !
Conclusion
Maintenant que l’interview est terminée, que prévois-tu de faire ?
Kriza Lied : Sûrement travailler les planches du chapitre 9 de Never Surrender, puis celles de ma participation au concours Tezuka organisé par le Shônen Jump (oui rien que ça, ça donne le tournis !).
Sourirez, le mot de la fin par Kriza Lied !
Kriza Lied : Papillon ~
Voilà, c’est la fin de l’interview de Kriza Lied ! Merci de nous avoir suivis jusqu’ici, j’espère que vous avez apprécié lire cette interview !